Polonais

Le Polon­ais dans sa salle de bil­lard en sous-sol. Il est quinze heures, seul dans la pénom­bre, des coquarts sous les yeux, il sirote un café. Les ban­dits man­chots et les flip­pers clig­no­tent, les queues sont sur les râte­liers.
“Non, moi ça va… Mes enfants sont grands, ils vien­nent me voir, nous man­geons, nous buvons un peu… Mais ce qui va se pass­er, si je savais… Tu vois j’ai cinquante ans et il n’y a pas d’ar­gent à Fri­bourg. A Genève, à Lau­sanne, c’est autre chose, mais ici, rien que des étu­di­ants et des vieil­lards. Et en plus, ils ont des exa­m­ens. Le week-end, la salle est pleine, mais je ne fais que net­toy­er, ils achè­tent de l’al­cool en super­marché, boive dans des sachets en plas­tique, titubent et sont malades. Tu as remar­qué? A Pérolles les bou­tiques n’ar­rê­tent pas de fer­mer. Et le soir, c’est mort. Il y a tous ces Turcs et ces Albanais! Pas une once d’imag­i­na­tion. Ils s’in­stal­lent dans la ville, ils s’as­soient sur un tabouret et regar­dent tourn­er leur pain de viande, quelle ambiance ça peut met­tre, hein? Nos enfants l’au­ront dif­fi­cile. Et ils les étrangers con­tin­u­ent d’ar­riv­er de tous les côtés! Je ne sais pas, non vrai­ment, je ne sais plus…”