Parole

A Mala­ga au mois de novem­bre nous sym­pa­thisons dans un restau­rant de pois­son avec un homme d’af­faires à la retraite. Il est Français, vol­u­bile, intel­li­gent, péremp­toire, rieur. A son habi­tude, Gala pro­pose de se revoir. Le lende­main nous sor­tons, les bouteilles défi­lent, la con­ver­sa­tion dure. Nous écou­tons plus que nous par­lons, l’homme ayant une présence affir­mée. Peu importe, il en sait long et j’ap­prends. Au moment de la sépa­ra­tion, promesse est faite de se revoir. Plutôt que de rester dans le vague (nous sommes les uns et les autres à 1500 km de notre domi­cile), l’homme sug­gère une date, con­firme qu’il appellera. Scep­tique, je pense: nous ne le rever­rons pas.
- Toi alors, tou­jours à généralis­er, dit Gala.
A deux heures du matin, le télé­phone sonne. Sa femme. Elle demande où il est passé. Gala explique que nous venons de le quit­ter. C’est faux. Nous l’avons quit­té devant son immeu­ble vers minu­it. La date prévue pour la ren­con­tre en Suisse passe. Je laisse pass­er. Entre temps, et pour d’autres motifs, Gala répète: cesse de généralis­er! Je lui fais remar­quer que l’an dernier, à Dort­mund, lorsque je me suis  retrou­vé de nuit, déjà pass­able­ment ivre, dans ce bar fer­mé au pub­lic en com­pag­nie d’un petit groupe de buveurs, des habitués, à descen­dre de la bière et de la liqueur, et que me lev­ant après trois bonnes heures de mon tabouret pour ren­tr­er, deux de mes inter­locu­teurs ont annon­cé qu’ils souhaitaient se revoir. Or, l’un s’est présen­té à mon hôtel, avant même que nous ayons dessaoulé, le lende­main matin, l’autre m’a écrit comme il avait promis de le faire. Quant au Français de Mala­ga, plus de nou­velles, ce qui pour moi est réductible à la général­i­sa­tion, en France dire c’est faire et pour Gala, relève vraisem­blable­ment d’un inci­dent trag­ique voire de l’en­quête poli­cière sur la dis­pari­tion d’un homme: a‑t-il suc­com­bé à une crise car­diaque? a‑t-il été enlevé?