Apéritif dans une discothèque à l’heure de sortie des bureaux. Une dizaine de personnes accoudées au comptoir sirotent leurs verres, la piste de danse est vide, les lumières arrêtées, la musique en sourdine. Le patron et sa femme (travailler en couple, releève de l’héroïsme) circulent avec énergie, parlent à la volée, rangent des bouteilles, confectionnent des canapés. Les clients, des habitués, les hèlent, mais ce n’est pas pour parler: ils tendent à bout de bras leurs téléphones, déroulent un film ou montrent des photos. Ainsi se forment le temps d’un regard commun de petit groupes, puis chacun reprend place sur les tabourets. Je vide mon verre à l’écart, ne sachant si je suis le spectateur unique d’une pièce de théâtre improvisée ou s’il faut considérer que tous les clients sont dupes et que le couple qui possède la discothèque met la situation en scène pour vendre quelques boissons à un moment de la journée où les discothèques, normalement vides, ne rapportent pas un sou.