Au moment de définir un caractère, l’écrivain cherche parmi les adjectifs, retient celui qui exprime au mieux son idée. Si l’adjectif manque de nuance ou force l’expression, il adopte cette solution inélégante mais efficace qui consiste à placer un second adjectif en regard du premier. Leur tension proposée à l’intelligence du lecteur est alors censée traduire avec justesse le caractère que l’écrivain tente d’exprimer. Or, dans la réalité, il arrive parfois qu’un adjectif suffise à décrire un caractère, comme j’ai eu l’occasion de le vérifier hier: confronté à cet homme massif et grand, au cou musclé, aux épaules larges, le visage épais, les cheveux drus, qui se meut lentement, parle avec mesure, a le regard rieur et ennuyé, et qui sans cesse soupire, j’ai pensé “débonnaire”. L’adjectif décrivait parfaitement l’homme. Et même plus que cela: en sa présence, tout appel à la définition du mot “débonnaire” devenait inutile. Cet homme dévoilait pour la première fois à mes yeux, de façon aussi complète, le sens réel de l’adjectif.