En soirée, un appel des livreurs qui s’excusent dans un français difficile. Les meubles devaient être déchargés le lendemain, mais ils sont à Fribourg… si je voulais bien… J’accepte. A peine ai-je poser le téléphone, une camionnette se met en mouvement dans la rue. Deux gars en sortent. Mocassins, pulls et pantalons, yougoslaves. L’un salue, l’autre ouvre les portes arrières du véhicule, attend les ordres. Seize cartons contenant les étagères et montants des bibliothèques. Chacun pèse quelque vingt kilos. Ni sangles ni diable. Or il faut passer par le parking, emprunter un premier escalier, traverser le jardin, déposer au premier étage, ce que j’ai fait jeudi et vendredi, tout le jour, mais pas avec de tels poids. L’homme a tout juste émit un soupir en voyant que la maison est distante, mais lui aurais-je montré une distance deux fois plus grande qu’il aurait émit le même soupir résigné. Sans un mot, il place un carton sur son épaule, puis se ravise, en place un deuxième. Il se tourne, hésite, fait alors signe à son collègue d’en placer un dernier. Soixante kilos. L’homme ne doit guère peser plus lourd. Le bras rabattu sur les cartons, il se met en marche. Il a les lèvres closes, les yeux fixes. Et ainsi, une partie des soixante kilos sur le biceps, quatre fois de suite. Il est neuf heures passées, quand ils me quittent, montrent la pluie, font signe qu’il doivent rentrer. Le marchand de meubles est situé près de Thoune; les livreurs habitent Lausanne. Avant de démarrer, celui qui parle, tire une feuille de sa poche: le bulletin de livraison.
- La date de demain s’il te plaît Monsieur.