Réunis à St-Légier pour la première fois depuis vingt ans après une rencontre de réconciliation à l’occasion d’une repas pris à Fribourg en octobre dernier, nous voici mon père, mon frère et moi au milieu d’amis proches, certains connus depuis l’adolescence. Quand j’arrive à la villa avec Aplo un groupe de personnes se tient dans la cuisine et pioche dans de belles assiettes des préparations salées et sucrées. Il pleut, les enfants sautent sur un trampoline au fond du jardin. Soudain mon père entreprend de raconter son achat d’une bibliothèque de 15’000 livres à Crans-Montana.
- Est-ce que ça pourrait être celle du père de ton ami, me demande-t-il?
J’en doute, celui-ci était champion de golf puis vendeur de cigares et que je me souvienne, jamais il ne m’a parlé littérature. Ayant donné cette réponse, je m’aperçois que la question ne la méritait pas car elle est arbitraire: simple hypothèse sur la foi du lieu. Et le voilà qui s’emploie à détailler le contenu de la bibliothèque. Le premier tiers, sans intérêt. Le second, des livres historiques que je pourrai revendre. Le reste, des romans, j’ai tout donné.
- Mais enfin, quelle sorte de littérature y avait-il dans ces rayonnages?
- Je n’en sais rien, là n’est pas la question.
Mois : août 2013
Livres
Goûts
Jusque dans un âge avancé nous traînons des goûts adolescents qui se combinent aux goûts plus sûrs, mieux approfondis, de la maturité, provoquant une joyeuse distorsion de la personnalité sociale mais occupant tout aussi sûrement l’esprit à des frivolité qui retardent sa capacité de pénétration. Effet du siècle à placer en regard avec l’extraordinaire et déconcertante fluidité des limites qui séparent, et de fait séparent de moins en moins, le monde de l’adulte de celui de l’enfant, avec le problème évident que cela implique: notions mal établies chez l’enfant, infantilisme de l’adulte.
Fribourg
Fribourg, rue du Criblet. Gala dort dans le salon. Mes tampons de cire que je chauffe entre mes doigts puis enfonce dans mes oreilles me coupent du monde. Nous sommes samedi, jour des agités. Au bout de quelques secondes j’entends des coups sourds. Je retire un tampon, cherche leur provenance, me penche vers la rue, côté couloir, côté mur. Plus rien. Je remets mon tampon. Voilà que ça recommence. Bruit sourd, régulier, qui s’apparente au toucher des balais sur la caisse claire. Ce bruit, c’est mon sang. Il cogne dans la tête. Je me concentre sur le cœur. Le bruit et les palpitations vont au même rythme. Puis non, tout compte fait, il y a un léger décalage. Le cœur d’abord, l’oreille ensuite.