L’Espagne est peut-être la terre d’avenir. Faute d’imagination l’espagnol est traditionnel et il l’est sans excès. Les cruautés folles de la guerre civile traduisaient le bouillonnement d’un caractère national qui semble avoir été réduit par la prospérité et nous avons aujourd’hui une société dont le rapport à la modernité n’implique nullement la destruction de l’héritage constitutif. Reste la considération des plaisirs de l’esprit. L’art en Espagne est souvent intuitif, de même que la poésie. De la philosophie, il n’y en a pas — elle n’a su se libérer de la théologie et quand elle y est parvenu, elle est tombée au ras du sol, dans la sociologie. La conversation s’en ressent. Il vaut mieux parler de rien, dans la joie, que de s’attacher aux subtilités; d’ailleurs la qualité du soleil n’y invite pas. Que ce soit à Valdepenas il y a vingt ans, ou encore a Avila l’an dernier lorsque je me renseignais sur les Verracos, un certain immobilisme intellectuel se faisait sentir. Vivre en Espagne demanderait ainsi de sympathiser avec le vide et de redoubler la volonté.