Gala ne veut plus aller à Lhôpi­tal. Je ne peux pay­er des hôtels. Nous dor­mons dans l’ar­rière bou­tique de l’An­ti­quaille sur un canapé-lit de fer. Nous dor­mons fenêtre fer­mée. La pièce, rem­plie des pein­tures de mon frère, donne sur un jardin. Un jardin col­lec­tif. Les apparte­ments de l’im­meu­ble sont occupés par des vieil­lards. Per­son­ne n’u­tilise ce jardin. Il pleut. Gala descend le store. Il fait nuit. Je rêve que des incon­nus creusent la terre dans le jardin. Tu les entends, dis-je à Gala. Elle écoute. Ils enfouis­sent des tuyaux, lui- dis-je. J’ai cette expli­ca­tion: ils venaient de jour mais désor­mais le jour ils tra­vail­lent alors ils creusent pen­dant la nuit. Ils enter­rent des tubes, peut-être qu’ils enter­rent aus­si des cadavres, dis-je. La porte de l’im­meu­ble grince. L’un des hommes est ren­tré. Il approche. Je me dresse dans le lit, veux me porter au devant de lui, mais je tombe. Ses pas devi­en­nent lourds. Il sera bien­tôt devant notre cham­bre. J’aimerais le repouss­er, mais mes efforts n’y peu­vent rien, je rampe comme un ver­mis­seau. Pour faire fuir l’in­trus je veux crier, de ma gorge ne sort qu’un gémisse­ment. Quand j’at­teins le palier, l’homme est là. Il ouvre la bouche, la ferme. Il ne sait pas par­ler. Alors il désigne la boîte à plombs, il veut me faire com­pren­dre que nous sommes dans le noir car l’élec­tric­ité a sauté. Gala me réveille. Tu fai­sais un cauchemar? Qu’est-ce que c’é­tait? — Je te dirais demain. — Je ne sais jamais si je dois te réveiller, dit encore Gala. Elle se ren­dort. Le matin, un autre bruit. Dans la pièce à côté. Celle où nous avons la machine a ver­res, une machine énorme, lourde, archaïque, une machine alle­mande aban­don­née il y a vingt ans par un réfugié de Bucarest, elle sert à polir les ver­res ébréchés, c’est l’an­cien pro­prié­taire de l’An­ti­quailles qui la fait tourn­er. C’est lui qui est là, avec la machine, dans la pièce à côté, ce matin. ll la met en marche et sif­flote. Un autre bruit, sans rap­port avec le tra­vail du verre, une sorte de soupir. Je me lève, je claque la porte de notre cham­bre. Aus­sitôt le silence. Plus un bruit. Je l’en­tends alors étein­dre la machine et s’en aller dans le couloir, fer­mer à dou­ble tour l’autre porte, celle qui lui per­met d’ac­céder à la machine sans avoir à me crois­er et sor­tir dans le jardin.