Avant d’aller dîner chez Wilmar dans le quartier de la synagogue dont il abhorre les appels à prière comme il abhorre les cloches du temple voisin, nous passons à l’épicerie indienne du Simplon acheter de la bière. Aussitôt dehors, Gala bouche son nez, se plaint de l’odeur de banane, de chair putride et d’encens. Elle a raison, mais pour qui voyage en Inde c’est le parfum de la vie. Ce qui étonne c’est qu’au centre de Lausanne le couple d’indien ait recréée l’odeur dans laquelle il mijotait à Madras ou Bangalore. Gala insiste. Jamais je n’irai. Moi qui voulait l’emmener à Benarès, loger dans la citadelle et regarder les morts arriver des campagnes. Jamais. Et nous voilà clopin-clopant, dans les rues vides d’un dimanche de janvier, à Lausanne, mais la nuit je remonte à bord d’un bateau inondé une rivière bourbeuse qui pourrait être le Gange et quand je m’arrête le long d’un ghat, à l’épicerie les deux indiens montrent à mes pieds, autour de mes pieds et aussi sur mes pieds des milliers de cafards. A quoi je réponds à part moi de crainte de vexer ces commerçants extralucides: imbéciles d’indiens qui ne savent pas reconnaître des pruneaux écrasés!