A Fribourg, les voisins paysans. A la retraite depuis un an, ils n’ont gardé que quelques vaches pour usage personnel. Pour l’apéritif que fait ma mère, ils apportent un saucisson et un paquet de biscuits. Lui marqué par le travail au botte-cul, sous les bêtes a les épaules déjetées, le menton sur la poitrine et sur le ventre. Lorsque nous parlons d’une maison dans la campagne alentour, ils la situent lui et sa femme, disent le nom de celui qui y habite, le nom de ses parents, de ses grands-parents et les états de chacun, leurs métier, leur naissance, leur mort. Au fil de la conversation, il apparaît que tous ces gens, jusqu’à Romont, appartiennent de près ou de loin à la même famille. Mais “aujourd’hui, on ne connaît plus personne.” Puis nous parlons du temps qu’il fait. Chutes de neige exceptionnelles ces deux derniers mois. J’approuve (d’ailleurs, hier, jour de Noël, je n’ai pu rouler jusqu’à la maison de ma mère, des congères barraient le route, la camion du lait venait de faire une embardée.) “Le pire, dit le voisin, c’était 1956”
- Cette année-là, il a fait ‑37. Mon cousin, qui était apprenti ferblantier, n’a pas pu redescendre à Oron à pied. Il avait que des socs aux pieds, alors le patron l’a mis à dormir dans la grange, emaballée dans une couverture de cheval, au-dessus de la fontaine.”