Les Roumains, en force, ce samedi, dans la maison, dès 7h30. Hirsute, je vais au café quand Marius m’annonce qu’il leur faudra du travail car le carrelage qu’ils prévoyaient de finir sur deux jours sera fait d’ici midi. Je cherche en mâchant des tartines. Puis je désigne des chantiers: maçonner le bas-mur de la véranda, paver 80 m² d’allées, couler une chape dans la salle-à-manger… La réponse invariable de Marius, “pas de problème”.
Mois : février 2011
Après deux heures de pourparlers Gala monte en voiture et me rejoins à Genève. Nous sortons, à onze heures, mais le lundi la ville est fermée. Est seule éclairée la porte du 75, l’antre d’Einstein. Trois ou quatre épaves et Michel le chinois (il y a vingt ans, à mon retour d’Australie, dans ma cuisine, il révisait ses examens de licence un six-pack à portée de main). Affublé d’une chaussette, il a les yeux hallucinés et peine à me nommer. Plus tard, il retrouve la parole et chante des litanies où ne figure pas un mot de français, tirades de syllabes qui bout à bout forment une prosodie automatique. Cela dure toute la nuit. Gala lui répond, j’abandonne. A trois heures du matin, dans son appartement des grottes — frigidaire vide, cendriers, livres érudits et recueils de poésie en piles — il se met à parler italien puis latin. Nous dormons sous un piano à queue, il s’affale dans un fauteuil, un bouteille de marc contre la poitrine. Sur l’ordinateur tournent des enregistrements flamenco de l’avant-guerre .
Ma première expérience de vie adulte, à Majadahonda, prés de Madrid, en 1975. Nous n’allions pas à l’école. Dans un supermarché, nous avons acheté un magazine pornographique, une boîte de sardines et une bouteille de bière. Le fils du camionneur venait de perdre sa mère, il s’appleait Ange. L’autre, Jean-Michel, commençait la drogue.