Maman, F. allaient aux dix ans d’Aplo et j’allais seul, nulle part, lancé deux heures de suite sur l’autoroute Lausanne-Genève bondée même le samedi. De retour à Lhôpital, je me suis dit “il faut manger”, parce que je redoutais de commencer les corrections des Voies secondaires, cette crainte bien connue : tomber sur une phrase si mauvaise qu’elle m’enlèverait tout désir de continuer et me ferait jeter le manuscrit aux orties. Le travail de juillet perdu. D’autant plus ennuyeux qu j’ai déjà sollicité l’éditeur (par une carte postale qui montre dans le Gers une maison identique aux Cornières). Puis j’ai mangé au jardin quatre pommes de terres déterrées hier par Crausaz dans son champ de Fribourg et un Gruyère. Autour du presbytère j’entendais tourner le voisin et son fils, le petit. J’ai fait celui qui n’entend pas jusqu’au moment où c’est lui qui a ouvert, qui a appelé. Je suis allé à sa rencontre. Comme d’habitude — sans que ce soit souvent — il venait marcher un peu dans le jardin en répétant “on va y aller” et me parlait d’une colonne de fourmis dans sa cuisine, pur laquelle j’indiquais des quartiers de citrons moisis — ça leur barre la route. Ensuite je me suis remis aux corrections, ne comprenant pas toujours ce que j’avais écrit trois semaines plus tôt. Et cependant, à Genève, entouré de la famille, Aplo devait déballer ses cadeaux.