Mois : novembre 2008

Le pro­jet secret de l’E­tat est de nous dés­ap­pren­dre à agir seuls.

Ce qu’on admet pas, c’est qu’il n’y a rien à faire. La con­di­tion s’améliore — sans fin. La frus­tra­tion demeure. Hon­or­er la vie, c’est ça — vivre. Le mal vient de la représen­ta­tion de la fin. Plutôt, de cette incon­gruité: un état final et vivant.

Le mur qui monte et l’échafaudage sans lequel il est impos­si­ble de mon­ter le mur. Et chaque jour se lever plus tôt pour arriv­er au som­met de l’échafaudage, et chaque jour arriv­er plus tard au pied de l’écha­u­faudage où sont les vivants de la famille. Cepen­dant, lorsqu’on aligne les briques, le ciel est en face, comme au pre­mier jour.

Tout est dans la dépen­dance. Ne pas dépen­dre. Aider. Le poli­tique est par principe la fig­ure inessen­tielle: il dépend de tous.

Quand tous les actes ont été con­som­més une pre­mière fois, les saveurs sen­ties, les car­ac­tères perçus. L’hori­zon se vide. Il faut atten­dre. Il va se remplir.

Et quand je ren­tre, l’oeil glauque, les jambes coton­neuses, ma femme se promène dans le jardin avec une bouteille de Cham­pagne et un plat de foie gras, me retourne, embar­que les enfants, nous pousse chez le voisin — lui et d’autres dévoués ont rechargé la bat­terie de sa voiture dont elle a lais­sé les phares allumés. Elle dis­tribue les carottes à éplucher, rem­pli des bols de cac­a­houètes, ren­verse le poulet, hâche la corian­dre, exige d’un bre­ton qu’il débouche le vin. Il fait nuit dans le vil­lage, la pluie martèle sur les toits, la fatigue pèse, c’est lundi.

Par com­bi­en d’hommes cha­cun a‑t-il le courage d’être détesté?

Il fai­sait froid. Pour lut­ter je mangeais des pâtes dans une mai­son lais­sée vide par un pror­pié­taire qu avait de l’ar­gent. Aujour­d’hui, à mon tour, j’ai de l’ar­gent et je laisse deux maisons vides. Dans une troisième, je lutte con­tre le froid et résoud des prob­lèmes d’argent.

Tout com­mence avec le dés­espoir et on ne sait jamais quand il com­mence. Il indique qu’on a vu. Mais n’ou­blie pas : ce n’est qu’une pre­mière vue.

Tout en mémoire. Le reste est oublié. Par­fois sur­gis­sent des fig­ures, mais les voir ne suf­fit pas à les saisir. Sim­ples reflets dans l’eau de la nuit.