Mois : avril 2008

Dans le quarti­er de vil­las. Le voisin installe une bal­an­coire pour ses enfants. Struc­ture en tubes à mon­ter soi-même. Empat­tem­nents bleus, barre cen­trale rouge, bal­anciers jaunes. Le car­ton sur le côté, pro­tégé de la pluie. Récupéra­tion, le jeu­di. Même bal­ançoire que dans le Gers à 1000 kilo­mètres de Genève, même bal­an­coire qu’à Fri­bourg chez ma mère, même bal­an­coire que dans mon jardin, même bal­an­coire que les voisins du pres­bytère qui pour­tant n’ont pas d’enfants.

Que per­son­ne ne s’in­quiète de l’ex­is­tence d’un mono­pole de la presse en Suisse est choquant.

Une vraie fatigue, remède con­tre la moitié des mal­adies modernes.

Ils veu­lent combler les caves, maîtris­er l’e­space, con­trôler le niveau moyen — ils le font. Ceux qui le font sont ceux qui ne sor­tent pas ni ne volent ni ne vont sous terre: ils comblent, con­trô­lent, maîtrisent, ils ont pour ça des hommes de main.

Foulard islamique sur la tête des immi­grés dans nos villes. L’ab­sence de réac­tion en dit long sur notre veulerie.

A la mairie, niveau récep­tion, je ne dis pas qui je suis et on me traite comme un va-nu-pieds. Quand je sens que je ne vais pas obtenir ce que je suis venu chercher, je dis qui je suis: on s’ex­cuse, on me fait asseoir et on s’excuse.

Sur le chemin il y a une femme au petit chignon. Je la con­nais: c’est la femme du char­p­en­tier. Elle tient un bâton dans la main. Ses yeux sont fer­més. Une méchanceté pèse sur ses paupières. A droite le silo à béton de la cimenterie. Il goutte sur une tôle. Il est six heures, la cimenterie est fer­mée. C’est le seul bruit. La dame regarde la mont Retord. Elle ren­tre de vacances. Dans la con­ver­sa­tion il est impor­tant qu’elle puisse plac­er cette phrase: “je ren­tre de vacances”. Pour ponctuer elle donne un coup de canne. Je dis “oui-oui…” je veux m’en aller. Quand on se promène on ne veut pas par­ler. Pas trop. Elle insiste, “voir com­ment les gens vivent est impor­tant”. Elle marche der­rière moi après que j’ai dit “adieu!”, répète:
- .. c’est impor­tant.
Je me retourne, je souris. De l’autre côté de la route, sa mai­son à un étage est très plate. Une de ces maisons choisies dans le cat­a­logue. Les tuiles mouil­lées de brume, l’an­tenne télévi­sion. Des véhicules passent dans le vil­lage tout près de sa mai­son qui est aus­si celle du char­p­en­tier. Les voitures du con­tremaître de la car­rière qui sort tou­jours dernier, mais aus­si des pen­du­laires de retour de Genève. Elle leur fait signe. Plus tard, alors que je suis sur le seuil de ma mai­son, je la vois qui dis­cute avec une auto­mo­biliste. Quand la voiture démarre, elle bran­dit sa canne.

Cause de frayeur: seul de toute la forêt, un arbre sec­oué par le vent.

En mul­ti­pli­ant les actions on réduit la pen­sée. La mécanique a la pri­or­ité. Sans cesse req­uise et de toutes parts, elle devient appen­dice de la mécanique; elle coor­donne les actions. S’il y a du temps, elle ajoute du sens. Les actions des corps sont des réac­tions aux actions des corps. La pen­sée cir­cule dans le corps de la société à la façon des tau­pes: furtive, presque invis­i­ble, elle obéit comme la taupe obéit aux tun­nels. On l’oublie.