Sur le chemin il y a une femme au petit chignon. Je la connais: c’est la femme du charpentier. Elle tient un bâton dans la main. Ses yeux sont fermés. Une méchanceté pèse sur ses paupières. A droite le silo à béton de la cimenterie. Il goutte sur une tôle. Il est six heures, la cimenterie est fermée. C’est le seul bruit. La dame regarde la mont Retord. Elle rentre de vacances. Dans la conversation il est important qu’elle puisse placer cette phrase: “je rentre de vacances”. Pour ponctuer elle donne un coup de canne. Je dis “oui-oui…” je veux m’en aller. Quand on se promène on ne veut pas parler. Pas trop. Elle insiste, “voir comment les gens vivent est important”. Elle marche derrière moi après que j’ai dit “adieu!”, répète:
- .. c’est important.
Je me retourne, je souris. De l’autre côté de la route, sa maison à un étage est très plate. Une de ces maisons choisies dans le catalogue. Les tuiles mouillées de brume, l’antenne télévision. Des véhicules passent dans le village tout près de sa maison qui est aussi celle du charpentier. Les voitures du contremaître de la carrière qui sort toujours dernier, mais aussi des pendulaires de retour de Genève. Elle leur fait signe. Plus tard, alors que je suis sur le seuil de ma maison, je la vois qui discute avec une automobiliste. Quand la voiture démarre, elle brandit sa canne.