Expédition avec le club cycliste. Car c’est plus qu’une sortie. A sept heures, les voitures démarrent sur la place du village. D’autres amis viennent de Pampelune et de Huesca. Avant que le soleil ne soit levé, nous chevauchons les vélos et attaquons le col de la Pierre-Saint-Martin depuis Lees-Athas. Je grimpe en milieu de peloton, sans fatigue ni douleurs, les premiers mille mètres. Au sortir de la forêt, le maire d’Agrabuey décroche, il me prend deux minutes. Sept cent mètres de plus, j’atteins la frontière navarraise côté français, je suis le dernier à quelques secondes. Puis les choses se corsent. Revenu en plaine, les dix cyclistes se rangent derrière l’excellent Javi dont la femme aime à dire: “si un jour il ne monte pas à vélo, c’est qu’il est au cimetière!”. Comme ce juge, autrefois alcoolique, désormais obsédé, s’entraîne dans les plaines venteuses de Saragosse, il roule à quarante km/h sans effort sur le plat, c’est dire ma difficulté en queue de comète. Enfin, je tiens. Nous voici à Escot, autre village de la Gave d’Aspe, point de départ du col du Marie-Blanque, célèbre pour ses quatre kilomètres de côte qui pointent au-dessus des 11%. Je ralentis, cela ne suffit pas: le cardiomètre indique 167. A bord de la voiture-balai, Diego me crie: “baisse ton rythme où tu n’y arriveras pas!”. 165… 160… 158… Et à nouveau 165. Quand j’arrive, les autres sont prêts pour la photo. Ils applaudissent. Nous nous félicitons, nous redescendons. Reste quinze kilomètres de nationale en fond de vallée. Le Colombien de Londres (25 ans) est épuisé. Il déclare forfait et monte en voiture. Avant que Javi ne s’élance, je préviens: “moins vite où je vais décrocher!”. Il me rassure, “pas de problème!” Et roule comme auparavant, tel un fou. En soirée, nous sommes de retour à Agrabuey. Verdict du jour: 92 kilomètres, 2900 de dénivelé. Fatigué? Non, fourbu. Et inquiet: la Quebrantahuesos, compétition que je ferai en juin totalise 200 kilomètres pour 3500 de montée.
Maladie 2022
Ce dernier mercredi, levée des masques en intérieure dans toute l’Espagne. A la question “faudra-t-il faire marche arrière?” (que la journaliste endosse sur ordre), la Ministre de la santé répond: “nous nous y préparons, l’Union européenne aussi.” Voilà pour le programme des Mondialistes. Il donne d’excellents résultats dans le peuple, qu’on en juge: au bar du village, la table des habitués, ceux qui été comme hiver, mieux réglés que des coucous, s’assoient à heure fixe, se relèvent à heure fixe et depuis deux ans n’abaissent leurs masques que pour siroter leurs verres de vin, l’opinion est unanime, “quoi que décide le gouvernement, nous garderons le masque!”.
Distance 4
Sommeil perturbé par de nombreux réveils. Aussitôt, la litanie: je passe en boucle mes attaques devant les Tribunaux, évalue les ripostes, veut me divertir, penser vélo, course et littérature, suis rattrapé par les problèmes. Hypnotisé, je me tourne et me retourne, écoute les oiseaux, fixe la projection de l’heure au plafond, vois que le temps passe, referme les yeux, la litanie reprend. Je lis Un nuit au Luxembourg de Rémy de Gourmont, texte où le narrateur croise dans l’église de Saint-Sulpice un Jésus habillé en costume-cravate qui l’emmène voir les nymphes au parc du Luxembourg — j’éteins et la litanie reprend: argument, contre-arguments, demandes, méthode Kasparov (au minimum quatre coups d’avance).
Pascal
“Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre”. Peut-être. Mais cela relève déjà du choix. Or, c’est de l’incertitude du choix que vient le malheur. L’homme ne sait que faire de lui-même. Il espère une réponse. N’en trouve pas. Désespéré invente. En général, le plus absurde donc le plus contraire à sa vocation naturelle qui, précisément, ne relève pas du choix.
Futur immédiat
La “grande confiscation”. Mouvement de saisie générale, il concerne les lois, les symboles, les biens, les envies et les corps. Il est en marche, contesté par quelques récalcitrants, admis par la majorité. Dont je déduis que les gens ne savent plus que faire de leurs corps, n’ont plus d’envies, n’ont le sens ni de la loi ni des symboles.
Rêve
La Garde civile m’intercepte sur la route de Villajaca. Pas de permis de conduire. L’agent le demande. Je cherche le permis. “Descendez du véhicule!”, ordonne l’agent. Mon Sig Sauer est glissé sous la ceinture, à la base du dose. Divertir l’agent, cacher le pistolet, j’ai une seconde.