Ce que les nouvelles générations élevées dans le décor capitaliste ne peuvent comprendre c’est à quel point nos pays ont volé. Moins au sens de la capture violente des biens étrangers qu’au sens des effets de l’intelligence du collectif occidental sur la dépossession des peuples. Or, c’est précisément cette distribution de la mesure qui aujourd’hui change. Tel un sablier qu’agiterait une main inconnue.
Apothéose
N’est-il pas extraordinaire que l’on se laisse à ce point démolir par la société, ses instances administratives, caritatives, policières? Prix à payer pour n’avoir pas à entraîner au quotidien le corps à la guerre? Justifié. Mais au-delà? Renoncement, résignation, lâcheté, autant d’effets du confort. Dont nous ne parvenons pas à nous relever. Comment notre tradition historique entre toutes la meilleure, notre tradition individualiste et libérale dégagée de la glaise des régimes animistes, tribaux, collectivistes, se retourne-t-elle aujourd’hui avec une telle violence contre ses inventeurs? Ce déni de progrès entre les gens du vif, volontaristes et donc bien dotés, est insupportable.
Comprendre 2
Invité à réfléchir sur la situation actuelle selon le modèle d’anthropologie matérialiste qu’il développe dans L’homme seul, Claude Frochaux stigmatiserait peut-être un mouvement double et complémentaire, un masochisme destructeur côté populations, une tentative de sortie du corps côté caste gouvernante.
Gravel
Après des semaines d’entraînement sur simulateur, premières sorties de plus de cent kilomètres, l’une dans la Vallée du Roncal, l’autre sur la route des monastères de Saragosse. Ciel parfait, brillante lumière. Il fait chaud. A l’heure du repas, le silence grandit, les petits cols font souffrir, la température est de trente-trois degrés. Je vise un rythme cardiaque de145 bpm, n’y parviens pas, récupère sur les faux-plats. Aux abords des villages, les vacanciers partis, les piscines municipales sont fermées. En ce début d’automne elles ont toujours leur eau bleue. Quelques feuilles voltigent. Entre les murs de pierres sèches, sur les pacages, les moutons sont de retour.
Salamanque
Départ pour la belle capitale où je décide, après trois semaines de tergiversations, d’aller voir ce bus Volkswagen équipé pour le voyage que propose un Catalan. Ce n’est pas simple. Gala refuse que l’on traverse le pays à bord de sa voiture, une Citroën C3. Petite, dangereuse, molle, sans air conditionné. De mon côté impossible de louer une voiture — pas de permis. A Pampelune, elle loue à son nom. Nous sommes en route. La voiture, une Kia accidentée, tremble à l’accélération comme une éponge. Le soir, nous retrouvons la place Mayor de Salamanque, la rue de l’Université, Gala demande un Spritz; le barman répond: “en 17 ans de carrière, j’en ai servi trois!”.