Journal d'inconsistance

Dans le puits de l’or­eille cette stridu­la­tion inces­sante qui gâche le silence.

Richissimes tarés qui en jouant des coudes armes des fusées pour Mars. Leurs fan­tasmes de potach­es sont des con­tre-mesures aux vues étroites qu’ils pren­nent sur le monde.

Un peu­ple qui s’in­téresse aux ani­maux autrement que pour les manger est un problème.

Evola est un drôle. Il pense que le monde est fait à sa mesure. Est-ce philosophique ou au con­traire peu philosophique? En tous cas c’est peu sci­en­tifique et morale­ment cela résilie a pri­ori une par­tie des con­tacts pos­si­bles avec les habi­tants du monde qui, comme je le lui fai­sais remar­quer au sujet d’une invi­ta­tion que nous avons à prévoir pour des hôtes vivant par­fois loin du ter­rain, n’ont pas tous le loisir d’oc­cu­per leur journée à se deman­der ce qu’ils vont en faire.

La lit­téra­ture n’est pas un monde rond. C’est plutôt un casque. Que l’au­teur peut chauss­er. Dans la couche d’air qui sépare le cerveau de la mem­brane du casque cir­cu­lent pour s’y com­bin­er libre­ment les per­son­nages, les idées, leurs relations.

Pen­dant toute la prom­e­nade de Zihu­atane­jo cette femme me par­lait et me par­lait et j’imag­i­nais bien ce qu’elle voulait, que l’on s’en­ten­dit pour ensuite utilis­er nos corps, au soleil, au moins le temps des vacances. Or, je n’avais qu’une ques­tion en tête: “existe-t-il des formes géométriques rigoureuses dans la nature?” et demeu­rait à l’aller comme au retour silen­cieux pour enfin, de retour à l’hô­tel, lui pos­er la ques­tion comme si tel était le but de la prom­e­nade: “et toi, qu’en penses-tu?”.

“Bon­jour, je suis Duchien.” L’homme n’é­tait pas là par hasard et il avait un bou­ton à l’or­eille. Alen­tour, je décou­vris une femme. Elle était assise au pied du pom­mi­er un para­pluie ouvert devant les genoux. Or, il ne pleu­vait pas et le jour n’é­tait pas levé. Il ne faut pas que cet homme entre dans la mai­son, me dis-je, quand l’homme fit: “Vous ne me faites pas entrer?”.

1981 — un matin dans Lon­dres je me sou­viens d’avoir salué en voisin Char­lie Harp­er. La veille, j’avais assisté à un con­cert de son groupe, les U.K. Subs. Un événe­ment pour moi qui avait acquis son Live kicks au mag­a­sin Cos­mos de Fri­bourg tenu par Hélène et Frantz (des Young Gods). Naïf, je me per­suadais que cet album était toute l’œu­vre des U.K. Subs, alors qu’il s’agis­sait comme son nom l’indique de l’en­reg­istrement d’un des pre­miers con­certs du groupe punk. Ce matin-là, flat­té d’être recon­nu, Char­lie Harp­er, le chanteur et fon­da­teur du groupe, se mon­tra des plus sym­pa­thiques. J’avais dix-sept ans, il n’en avait pas le dou­ble. Vingt ans plus tard, je l’ai recroisé dans la cave de Mont­bril­lant, à Genève: il pogo­tait sur scène à côté d’un gui­tariste de dix-sept ans, son fils. Hier, je décou­vre qu’il a don­né un con­cert mi-mai à Lon­dres pour fêter ses 80 ans. La même bière à la main, les mêmes pro­pos à la bouche.

Vitesse du pro­grès? Chaque jour plus lente. Bien­tôt, tout le tra­vail des Clas­siques con­tre l’usage intem­pes­tif des émo­tions aura été liq­uidé. Restera une immense fer­veur imbé­cile dont se réjouis­sent déjà les usurpa­teurs. Et une tech­nolo­gie dernier cri pour en faire l’usage intéressé qui seul motive les grands faibles amants du pouvoir.

Sans valeurs, plus de but valeureux. L’ex­péri­ence con­tre-valeurs devient alors la règle.