UK Subs

1981 — un matin dans Lon­dres je me sou­viens d’avoir salué en voisin Char­lie Harp­er. La veille, j’avais assisté à un con­cert de son groupe, les U.K. Subs. Un événe­ment pour moi qui avait acquis son Live kicks au mag­a­sin Cos­mos de Fri­bourg tenu par Hélène et Frantz (des Young Gods). Naïf, je me per­suadais que cet album était toute l’œu­vre des U.K. Subs, alors qu’il s’agis­sait comme son nom l’indique de l’en­reg­istrement d’un des pre­miers con­certs du groupe punk. Ce matin-là, flat­té d’être recon­nu, Char­lie Harp­er, le chanteur et fon­da­teur du groupe, se mon­tra des plus sym­pa­thiques. J’avais dix-sept ans, il n’en avait pas le dou­ble. Vingt ans plus tard, je l’ai recroisé dans la cave de Mont­bril­lant, à Genève: il pogo­tait sur scène à côté d’un gui­tariste de dix-sept ans, son fils. Hier, je décou­vre qu’il a don­né un con­cert mi-mai à Lon­dres pour fêter ses 80 ans. La même bière à la main, les mêmes pro­pos à la bouche.

Situation 2

Vitesse du pro­grès? Chaque jour plus lente. Bien­tôt, tout le tra­vail des Clas­siques con­tre l’usage intem­pes­tif des émo­tions aura été liq­uidé. Restera une immense fer­veur imbé­cile dont se réjouis­sent déjà les usurpa­teurs. Et une tech­nolo­gie dernier cri pour en faire l’usage intéressé qui seul motive les grands faibles amants du pouvoir.

Situation

Sans valeurs, plus de but valeureux. L’ex­péri­ence con­tre-valeurs devient alors la règle.

Encore

Rêvé de Mara cette nuit. Quar­ante après la sépa­ra­tion. Et je me sen­tais mal. J’al­lais pleur­er. J’é­tais dépité, incon­solable. Le cerveau garde tout. Il repro­duit le meilleur, il repro­duit le pire, il repro­duit ce qu’il veut. Les con­séquences sur le psy­chisme sont réelles. Elles s’in­stal­lent pour la journée. Vont jusqu’au lende­main quand elles tien­nent le cap. Pos­si­ble que cette vis­i­ta­tion soit liée à la récente relec­ture de Route de nuit de Clé­ment Ros­set (dont les notes effrayantes lais­sent devin­er en fil­igrane un trau­ma­tisme amoureux).

JS 2

Pour dire ce que l’on croit ou dire ce que l’on fait, nul courage, mais le poids d’une expéri­ence qui pousse à franchir le ravin en sachant que la chute est certaine.

JS

Pro­jet de jour­nal secret: Les derniers jours de la sincérité.

Société

Attablé sur une place du vil­lage avec des gens que j’aime beau­coup, qui sont agréables et souri­ants, à qui je n’ai rien à dire. Eux cherchent leurs phras­es, les dis­ent. Vont à un sujet, qui s’épuise. J’évite de trop m’ex­primer. A une ques­tion, je viens de répon­dre de façon affir­mée. Les attablés ont cru que je fai­sais l’o­rig­i­nal. J’ai exprimé le dix­ième de ma pen­sée. Tais-toi! Sen­ti­ment de boîtes de con­serve que l’on tourne à la maniv­elle dans des cerveaux vides.

Littérature

Fasci­nant Grand jeu de Dau­mal et Lecon­te. Com­ment en vient-on à pro­duire des expéri­ences esthé­tiques sur la vie, la mort aus­si intens­es, aus­si extrêmes? Cela dès l’ado­les­cence, en rup­ture avec la société civil­isée, bour­geoise, tim­o­rée dont on est les reje­tons? C’est un mys­tère. Lié à la haute édu­ca­tion, elle même fac­teur des toutes les spécu­la­tions pro­pres à la jeunesse, à sa fougue, à sa folie.

Tiroir

Très mal dor­mi, puis très bien dor­mi puis très mal dor­mi. Vie irrégulière. Elle ressem­ble à un tiroir que l’on rem­plit à ras-bord et ferme à coups de pieds. Trop de choses. Le corps ne trou­ve pas le som­meil, il est lourd, il étouffe. Vie qui per­met de tout faire (vélo, écri­t­ure, tra­vail, recherche, patates, Pilates…), sauf dormir. 

Jardin

Plan­té un parterre de patates. La terre est grasse et lourde. J’hésite entre la pioche et le sar­cloir. La pelle car­ré con­vient mieux. Les deux pieds sur le fer, j’en­fonce. Puis je tire con­tre le buste. Atten­tion à ne pas cass­er le manche. Ensuite, il faut cass­er les mottes. Pour se faciliter la tâche, mouiller. Mal­gré nos efforts pour remon­ter à la source, net­toy­er la prise, le bec de robi­net donne peu d’eau. Depuis hier, elle n’ar­rive plus au jardin. Nous rem­plis­sons des arrosoirs. Une sor­tie à vélo de 80 kilo­mètres est moins fati­gante qu’un sac de pouss­es à met­tre en terre.