Traversée de la Hongrie. Passage en Autriche — un militaire au milieu de la route. Il pleut. “D’où venez-vous?”. “Nous sommes allés faire du vélo.” “Bienvenue!”. J’accélère. Je roule plusieurs heures. Le soir, décompte du temps passé au volant: huit heures. Un petit village sur le bord du Neusiedlersee. Voiture verrouillée, je marche sur la première terrasse de bar, commande: “ein Bier vom Fass bitte!”. Le patron attrape un verre, fait couler la pression, exige : “passeport vaccinal?”. Même chose dans le second bar, au restaurant, au camping. J’ai pas. J’aurai pas. Evola de même. En fin de compte, je roule sur une laie forestière, j’enfouis la voiture dans les arbres, nous piquons les tentes, nous mangeons au sol. Réveillés le matin par le tir des chasseurs.
Est 26
Ville d’Arad en Roumanie pour cette dernière nuit de voyage. Nous ne serons pas allés jusqu’à Odessa comme prévu. S’éloigner de mille kilomètres encore eut beaucoup rallongé la route du retour. Evola semble déçu. Ou peut-être seulement silencieux à la perspective de retrouver Lausanne. Pour moi, j’aurai encore deux jours d’autoroute afin de gagner les Pyrénées. Or, je suis inscrit à une compétition de vélo avec les coureurs du village. Eux m’ont cessé de s’entraîner: Aubisque, Pierre-St-Martin, Tourmalet, Marie-Blanque, ils alignent les cols. Dix jours d’entraînement autour de la maison devraient me permettre de sauver l’honneur.
Temps futurs
Quand le soleil tombe ses lumières apparaît un hameau. Les toits des fermes sont rouges, les tuiles encore chaudes. En refroidissant, les descentes de fer craquent. Une femme et un homme, les yeux fermés, les yeux ouverts, murmurent. Au fond de cette vallée, le silence est ancien. Plusieurs rivières coulent. Au milieu du grand pré blond, les vestiges d’une civilisation, colonnes, piliers, pierres. Les genoux contre sa canne le pâtre solitaire a senti venir la nuit, il allume un feu dans la paume de sa main.
Anniversaire
Que pense le fils Bush lorsqu’il est convié vingt ans après l’effondrement programmé des tours jumelles à ânonner sur une scène? A formuler des regrets? Communier? Pleurer ? Geindre ? Que le peuple mérite qu’on le traite comme le dernier des imbéciles. Qui s’étonnera dès lors que les individus de son espèce cherchent encore et toujours à assouvir leur méchanceté?
Fabrique de la nécessité
Lorsque vous êtes en négociation avec un humain, le réel dépend de la négociation. Quand l’interlocuteur est un ordinateur, la négociation est suspendue et le réel dépend des possibilités du programme. Dans la mesure où l’ordinateur ne s’autoprogramme pas (pas encore), cela veut dire qu’il existe une troisième personne — dans notre cas invisible — qui a pris l’ascendant sur la négociation.