Mois : septembre 2024

Pompes

La voi­sine, au loin, au fond de son jardin. Vieille dame chenue le men­ton sur la poitrine. Elle a un livre sur les genoux? Elle lit? Dans mon jardin, sous le prunier, je fais des pom­pes, je souf­fle, je ahane. La vielle dame le men­ton tou­jours sur la poitrine mais je ne vois plus le livre. Tombé à ses pieds? Elle ne bouge pas sur la chaise. Elle a cal­culé sa posi­tion. Un ray­on de soleil donne sur sa tête blanche. Bien­tôt, me dis-je, je serai comme ça. Et je fais des pom­pes, encore des pom­pes. Oui, bien­tôt, je serai assis à atten­dre la mort. Ce que cela me fait? Rien. Je fais des pom­pes. Puis je sors du prunier, je m’a­vance vers la bar­rière. La vieille dame est en vue. Je salue de la main. Je crie: “oh la!”. Aucune réac­tion. Rien. Je me remets aux pompes.

Littérature

Foi inébran­lable dans la lit­téra­ture: elle vaut plus que les écrivains et les lecteurs et les oeuvres.

Gens

J’aime les gens. Je les aime encore plus quand je ne les vois pas. 

Journée 2

Suis fatigué parce que je me fatigue. Je vais dormir. A peine allongé, je me dis ce que je vais faire. Réveil­lé je le fais, non, j’en fais le dou­ble et j’avale de la bière pour me repos­er et fatigué me couche étab­lis­sant aus­sitôt les feux éteints la liste de ce que je ferai levé. Je suis fati­gant et me fatigue, je n’ar­rive jamais au bout de moi-même.

Prière

C’est l’ab­sorp­tion du corps dans un acte sans objet.

Journée

Mon pro­gramme est de faire dans la journée le plus de choses pos­si­bles. La veille (toutes les veilles), je fais ma liste. C’est pourquoi le matin je m’ef­force de rester au lit. Pour ne pas com­mencer. Mais le jour insiste. Je com­mence. Et tiens la dis­tance, me mets et me remets à l’ou­vrage. Pen­dant les paus­es, j’avale de la bière. La liste est pleine de coches, elle pas encore épuisée, c’est moi qui fatigue. Aujour­d’hui, gér­er le compte, équiper le vélo, ton­dre l’herbe, par­ler au fidu­ci­aire de Vaduz, faire acheter un pis­to­let à D., ven­dre les roues du van, con­tin­uer l’écri­t­ure de “60 romans”, cuisin­er les coquilles Saint-Jacques, regarder l’é­tape de la Vuelta, appel­er le séri­graphe de Fó ut, rem­plir le réser­voir d’Ad­blue, insul­ter la caisse de retraite, lire le Jour­nal d’Or­well, analyser la carte mil­i­taire du front ukrainien, écouter le nou­veau Devlins, s’oc­cu­per de l’i­non­da­tion, pré­par­er le cours, recopi­er Diplodocus.

Je n’admire pas 2

Zweig, écrivain éru­dit qui peut par­ler de Luther ou du chat de la voisine.

J’admire 2

A la fin de son alcool, Duras sur­nageant dans d’é­pais nuages de conscience.

Je n’admire pas

Cio­ran est l’au­teur qui se regarde dans le miroir et lorgne par-dessus l’é­paule pour voir si on le regarde se regarder.

J’admire

Robert Pinget, écrivain de la déréliction.