Hier, avant-hier, il y a un an ou deux, des malfrats s’introduisent dans l’atelier d’Anselm Kiefer en banlieue parisienne et grattent sur lune toile monumentale le plomb pour le négocier sur le marché des matières. Dans son journal de 1953, Jean Hugo rapporte une anecdote du même ordre: “[] les cambrioleurs, place des Etats-Unis, on ouvert le seul placard fermé à clef; dans ce placard ne se trouvait rien d’autre qu’une boîte en carton de forme cylindrique fermée avec du papier gommé. Ils ne l’ont pas ouvert et l’ont remise en place. Or cette boîte contient le manuscrit des Cent vingt journées de Sodome.”
Mois : juillet 2022
Avant rebond
Coupure dans ce journal tenu depuis quarante-six ans. Elle sera courte, elle est obligatoire. Raison de justice. Si je racontais, j’aurais à payer — un avocat s’en est assuré. Mi-août, l’obstacle devrait être franchi. Alors je pourrai renouer avec le plaisir, l’énonciation, le dire, la divagation et plus librement que jamais.
Almapiedra.
Acheté hier à Saragosse le “rústico” que je convoitais depuis décembre, le jour où avec Luv nous avons traversé la rivière pieds nus dans l’eau glacée. Signature devant le notaire rocambolesque: les gens d’ici n’ont pas l’habitude de voir une valise de billets. Il a fallut compter. Ce fut difficile. Bien sûr, tous pensaient: “cet étranger triche, il imprime des billets”. Bref, me voici à nouveau propriétaire. Et de quel lieu! Une terre survolée des vautours, au milieu d’un parc naturel, sur le bord d’une rivière pyrénéenne. Nom de baptême: Almapiedra.
Bordeaux
Traversée heureuse de l’Auvergne pour échouer en soirée dans Libourne, ville entée sur le vignoble où j’espérais trouver sans encombres un “Hôtel de France” afin de se reposer des péripéties des derniers jours, avocats, juges, banques, garages (suite à la vente des mes parts dans la société d’affichage) pour m’apercevoir, une fois de plus que cette France-là n’existe plus, qu’elle est grise, noire, misérable, défaite jusque dans ses campagnes. Elle mérite si peu d’être visitée dans ses régions vivantes; pourquoi est-elle aussi pleine? A minuit, épuisés, trempes comme des soupes (il fait trente degrés), après avoir été refusés par les huit établissements rencontrés le long de la route, nous atterrissons dans la chambre en plastique d’un B&B de la banlieue de Cénon qu’une assistante robotique nous ouvre à distance au moyen d’un code a dix chiffres.