Après onze heures de voiture, retour dans la maison. J’allume le bois, réinstalle les meubles (Octavio, Dani et Jésus dirigeaient des chantiers), distribue le Gruyère, les cornichons, le chocolat et le kirsch paysan dans les armoires. Fait mon deuil des cactus qui ont faibli, récompense les autres — celui de Malaga pointe à plus d’un mètre. Au coucher du soleil, la maison ronfle comme une petite usine. Elle est au milieu du monde et à l’écart de tout. Cette parenthèse dans l’action politique après un premier mois de militantisme est nécessaire.
Mois : mars 2021
Essayerai…
… de raconter par après le travail de terrain de ces jours. Léthargie profonde des gens rencontrés — certains cependant acclament, frappent dans leurs mains, remercient, témoignent; rien de tel pour se sentir redoubler d’énergie (cette femme avec deux gosses et une poussette, hier, dans le Valais, émue: “enfin quelqu’un se réveille!”). Pour le reste, dévirilisation maximum. Femmes qui glissent telles des anguilles, hommes qui ont le talent d’une secrétaire… Société suisse inféodée à l’argent et secouée comme un jeu de pêche miraculeuse: hommasses et fiotes, noirs, blancs, Roms, corvéables frontaliers et métèques planétaires, fils de- et fils pas de‑, faux gauchistes et intellectuels surfaux, diable de bouillie! Extraordinaire invertébration. Par moments, je suis physiquement dégoûté. A l’acmé de la catastrophe, Lausanne et Vaud. Rien à sauver.