Dans le train Fribourg-Genève avec Aplo. L’avion pour l’Espagne décolle à 6h10 demain matin. Le bureau de Genève sert de point de rendez-vous, nous y dormirons. Sentiment habituel: tout ira bien lorsque j’aurai pris place dans l’avion. En attendant, ce ne sont que difficultés. Entre dix-sept et dix-huit heures, je dois discuter avec Olofso, aller chercher Gala à la gare et prendre en charge mon neveu qu’amène sa mère laquelle est en conflit avec Monfrère (celui-ci est parti dormir ailleurs, Gala ne voulant pas le croiser). J’avale une cannette chez le Galicien en compagnie d’Olofso puis descend à Cornavin. Au bistrot, je commande une seconde canette. Le téléphone sonne. Gala se tient sur le trottoir en face du bistrot. Je tends un billet de Fr. 50.- à la sommelière, le seul que j’aie en poche, et sors. Je tire la valise de Gala jusqu’au bistrot. Un couple se plaint de ne pouvoir disposer de la table que je viens de quitter. Je montre ma canette à demi-pleine.
- Oui, dit la femme, mais c’est la mailleure table.
La sommelière me rend mon billet de Fr. 50.- ce qui clôt l’affaire. Gala fatiguée, maquillée, agressive, exige alors que je m’excuse pour l’incident de jeudi. Elle change d’avis en renonçant à venir à Fribourg alors que j’ai tout organisé, attend pour me l’apprendre que je l’appelle et exige des excuses.
- Tu m’as insultée, tu as parlé d’un comportement de malotru!
Technique rodée, à laquelle je fais face depuis des années: mépriser l’autre, le pousser dans ses retranchements, puis exiger des excuses quand celui-ci hausse le ton. Du théâtre. Sans intérêt, mais pénible, malhonnête, exaspérant. Je commande un autre canette, verse un peu de ma bière dans le verre de Gala, qui veut boire, mais ne veut pas commander un verre entier… Nous voici sur la rue du Jura (j’évite la rue de la Servette: moins l’on croise de passants dans ce quartier-poubelle mieux c’est): je tire la valise de Gala, elle marche derrière, un air fermé sur le visage. Au bureau, nous retrouvons Luv, Aplo et mon neveu. Ils ‘amusent. Gala entre et fixe Aplo. Au lieu de l’embarsser elle dit:
- C’est comme ça que tu me reçois?
Puis elle me fait déposer sa valise dans la cuisine où nous dormirons sur des matelas jetés à terre.
- Il faut que tu fasses la morale à Aplo… Ce n’est pas ainsi qu’on se comporte!
Pendant ce temps, j’organise le pique-nique des enfants, prévoyant de les coucher tôt.
- Que fais-tu?
- Je prépare des sandwichs.
- Quand vas-tu cesser de jouer les papa-poule?
Gala m’envoie alors chercher de la bière. Lorsque je reviens du kiosque, je la trouve qui réprimande Luv. Le ton est d’une telle agressivité que Luv réplique. J’interviens. Je ramène Gala dans la cuisine, ferme la porte. J’obtiens une heure de répit. Après quoi, la bière aidant, elle s’agite, menace de ne pas venir en Espagne, se plaint qu’elle est malade, que nous n’avons aucune considération pour sa maladie, qu’elle ne supporte plus d’être insultée, et sort. Je l’entends qui traîne sa valise à travers le couloir. Arrivée à la porte principale, elle la trouve verrouillée. Elle veut revenir dans la cuisine. Entre temps, j’ai fermé, je me suis couché. Elle traverse le bureau, enjambe les enfants qui dorment, sort. Nous partons en Espagne sans Gala.