Mois : mai 2009

Je croi­sais sur Nusa lem­bo­gan, au large de Lom­bok, dernirèe des îles de la Sonde. Une tra­ver­sée pénible, pleine d’eau et d’ailerons dans le flot. A un moment nous man­quons couler. Enfin nous abor­dons. Les indigènes s’en vont. Le cré­pus­cule vient, immense et plat et rouge, il y a un bar, un seul, des hamacs sour un toit de paille. Au lieu de paress­er, nous par­tons sous les feuilles bruis­santes vis­iter l’île, coupons par le cimetière — on nous a dit, “pas par le cimetière”. Sur les tombes il y a des para­pluies ouverts, c’est la mous­son, des para­pluies achetés au souk de Sanur, Bali. Puis nous mar­chons sur un chemin de falaise, sur un pont de corde, sur un sen­tier. Soudain, devant nous, tassé comme un banc de moules, les maisons du vil­lage et devant les maisons, les indigènes. Qua­tre généra­tions, du grand-père aux enfants. Les jeunes se char­gent de nous regarder. Ce regard a un sens: nous ne voulons pas de vous. Nous avançons entre les maisons et le silence, comme une mau­vaise tache d’en­cre, s’étend.

Dans un guide de la région pris à la bib­lio­thèque locale, pho­togra­phie d’un antre naturel, mous­su, cou­vert de lianes: “là s’en­gouf­frait le char­treux pour méditer, se tenir en soli­tude.” La cav­ité est petite, noire, creusée dans le repli du rocher. Et que pou­vait trou­ver le moine dans cette posi­tion? L’é­tat qui précède la venue au monde.

Mar­cel Jouhan­deau a fait la deux­ième moitié de son oeu­vre sur la dis­sec­tion du car­ac­tère d’Elise, son épouse. Façon de sub­limer la dif­fi­culté. Ses atouts: il était intro­ver­ti, attaché au sacré, moyen­nement dés­espéré et sybarite.

La société est un arrange­ment avec la mort. Elle per­met de mourir le moins pos­si­ble au quo­ti­di­en et dans l’ab­solu, le plus tard.

L’im­age élève l’e­sprit quand elle est fixe. Toile, chro­mo, pho­togra­phie s’of­frent à la com­préhen­sion. Mul­ti­pliée et accélérée — ciné­ma, télévi­sion — l’im­age impose la compréhension.